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Rencontre des Fablabs en bibliothèque
La Médiathèque départementale vous donne rendez-vous le mardi 26 novembre pour une matinale de rencontre et d’expérimentation Fablab !
Carnets de lecture
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Je poursuis mon chemin dans l’arbre de mémoire de Jacques Roubaud. Tel l’écureuil, je circule et me jette sur la troisième branche, appelée Mathématique : Le titre pourrait décourager l’écureuil simplet que je suis en matière scientifique mais étonnamment la découverte de Bourbaki racontée par sieur Roubaud, lisant avec assiduité le soir en la bibliothèque de la Sorbonne, ne m’effraie pas. En réalité, je virevolte sans chercher à accumuler de noisettes algébriques, ni théorèmes simplifiés. Je poursuis assidûment Jacques Roubaud comme lui Bourbaki. Je ne pousse toutefois pas le vice jusqu’à apprendre par coeur les lignes de sa prose de mémoire comme il le fait, lui, du traité bourbakien. Peut-être le devrais-je plutôt que de foncer tête baissée dans la lecture, venant à grands sauts de boucler La Boucle . Je n’y peux rien dans la prose roubaldienne, j’avance toujours avec avidité et curiosité. Je me sens comme un poisson dans l’eau, ce qui n’est pas sans risque quand je connais, pour l’avoir lu dans La Boucle, la dextérité du pêcheur à la main que fut l’auteur junior. Je peux me faire piéger au détour d’une page, passer à côté de l’enjeu véritable du projet et en rester aux cimes des branches mais c’est ainsi. L’étrangeté et ce qui m’échappe de la composition globale ne rebute aucunement mon appétit mais stimule mon avancée d’une incise à l’autre. Jacques Roubaud est habile en la matière : il me ne laisse pas trop longtemps en terra incognita. Il me plonge dans l’abstraction mais me rattrape au vol quand je risque de m’enliser dans d’absconds calculs, ou avoir le vertige face à mon ignorance. Bien des fois, j’aurais chuté lamentablement de l’arbre, s’il ne m’avait pas, avec ingénuité, fait bifurquer vers quelques pages plus quotidiennes narrant un « pré-matinal » d’écriture, un conte à la Lewis Caroll, une petite nuheure méditative de nuages, quelques pensées, version natural philosopher, à la Mister Pickwick, histoire de me relancer dans son donjon-mémoire. Je soupçonne évidemment quelque graal caché mais l’écureuil que je suis n’a ni la pugnacité, ni l’innocence d’un Perceval. Je savoure un sautillement joyeux grâce à ce mélancolique oulipien. Il stimule des rebonds tant suivre au plus près les circonvolutions de son esprit est une chance.
Certains évolueront à d’autres niveaux. Moi, je me délecte des descriptions de l’amphithéâtre l’Hermite, du professeur Choquet, de Pierre Lusson, l’homme qui ne s’intéresse qu’à ce qui vient après, de Philippe Courège, l’homme de la rigueur pour lequel l’incorrection est le seul véritable crime. Je traverse, avec Roubaud, le monde des mathématiciens, croisant Laurent Schwartz, Grothendieck et bien d’autres, philosophant sur les découvertes, les avancées, les enjeux de la médaille fields, erzatz de Nobel ?
Jacques Roubaud / Mathématique : / Seuil.
J’aurai parcouru la branche trois comme l’écureuil qui oublie que sa provision est à amasser et à ranger soigneusement après chaque arbre parcouru, et qui ne rêve que de se lancer encore plus vite vers la quatrième branche, juste pour le plaisir de sentir l’air et de jouer avec les feuilles. Que Roubaud pardonne ma légèreté ! Heureusement, il se dit lui-même lecteur rapide ... Plus JR écrit ses images-mémoire, plus j’accumule mes images lectures qui se surajoutent au portrait en creux du narrateur. Cette traversée fait naître en miroir des questions sur mes propres souvenirs. La subtilité des descriptions des lieux, des émotions, des ressentis interroge ma façon brutale, superficielle de me rappeler du passé. Mes classes de cours ont perdu pour la plupart leur espace, leur odeur, la configuration des places de mes contemporains élèves ? Quelles traces ai-je imprimées, ai-je seulement regardé véritablement un espace familier ? Saurai-je en parler de façon précise ? Là encore, l’écureuil va trop vite, il passe dans sa vie comme à travers ses lectures. Ce qui me réjouit, c’est que dans le bestiaire roubaldien, l’écureuil a nécessairement une place de choix * à côté de l’escargot, sans doute moins adoré que le hérisson mais quand même. La rousseur de la bestiole ne peut laisser Roubaud indifférent. La rousseur est un élément du rêve annonciateur du Projet, présente en la femme rousse passagère d’un autobus londonien ou sortant du métro. L’écureuil ne sait déjà plus précisément et il ne peut vérifier dans la branche 1, ayant prêté cette branche à un autre locataire momentané de l’arbre.Cette couleur est nécessairement un laisser passer ! Bondissons donc vers une nouvelle branche au titre cette fois très excitant : La Bibliothèque de Warburg !
*p80 de « La Bibliothèque de Warburg », je trouve confirmation de mon hypothèse. Dans le parc londonien qui entoure le Albert Monument, Roubaud avoue son amour des écureuils et joue avec leur curiosité légendaire. Il affirme aussi sans ambiguïté préférer les écureuils roux aux gris des amerloques !!!