Zoom sur Petite enfance

A petits pas vers l’altérité et l’ouverture au monde

Des assistantes maternelles intéressées et concernées
Tout-petits et adultes sous le charme des histoires en langues étrangères.

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Impliquée sur la question des langages, des langues et des cultures, la Médiathèque départementale a choisi dans le cadre de Premières Pages d’expérimenter des lectures bilingues et des ateliers d’éveil aux langues sur deux territoires (Pays de Nemours et CC de Val Bréon). A la suite d’une journée d’étude centrée sur cette problématique (lien à venir) qui a eu lieu aux Chapelles Bourbon, a été programmé un temps fort d’animation à la bibliothèque de Presles-en-Brie : retour sur cette journée du 6 décembre 2016, animée par des bibliothécaires de la Médiathèque départementale aux côtés de Mylène, la bibliothécaire de Presles-en-Brie, et de l’association DULALA.

Les bébés s’éveillent aux langues

Une matinée dédiée à des lectures bilingues en direction des enfants a été animée par la Médiathèque départementale. Nathalie Mansuy-Todeschini, responsable de la médiation jeunesse et Sylvie Metreau, référente de la Md77 pour Val Bréon sont intervenues en duo.

Deux groupes ont été accueillis : une classe de grande section de maternelle (environ 20 enfants), une animatrice de centre de loisirs et une élue de la commune ont assisté à une première animation. Puis un groupe d’assistantes maternelles et de quelques parents accompagnés de petits de moins de 3 ans ont assisté à une deuxième session d’animation. Les séances ont duré 45 minutes et ont été suivies de la séance habituelle de chants et histoires oralisées par la bibliothécaire de Presles-en-Brie assistée d’une bénévole.

Des enfants surpris et réactifs… et ils en redemandent !

Tout d’abord, une lecture bilingue à partir d’une boîte à histoires, créée à sa manière par la Médiathèque départementale, a été proposée à partir de l’album Bonsoir lune de Margaret Wise Brown qui a été lu en version italienne en un premier temps : Buonanotte Luna. La lecture imagée en langue italienne a pu paraître insolite mais était abordable du fait de la présence d’objets sortis de la boîte à histoire. Puis la même histoire Goodnight moon a été lue en anglais, toujours avec le support des objets sortis de la boîte. La lecture a été suivie d’un échange autour des langues. Une personne a remarqué que la version française du titre était différente en français (« bonsoir » au lieu de « bonne nuit » en italien et anglais). Il été demandé aux enfants s’ils savaient comment dire bonjour dans d’autres langues. Certains enfants ont répondu en portugais, italien, arabe et des adultes plutôt en anglais.

Puis se sont succédées deux lectures bilingue allemand / français. A été lu l’album de Wolf Erlbruch La Grande question (édition Être) / Die grosse Frage, album phare que la médiathèque a fait figurer dans toutes ses malles d’albums pour des lectures bilingues. Un enfant de maternelle parlant visiblement portugais à la maison et agité en début de séance, s’est placé à proximité de la lectrice d’allemand et a anticipé sur ce qui a été traduit. Il a élaboré des hypothèses de lecture qui se sont avérées intéressantes. Quand la lectrice a lu « Sagt der Soldat : du bist auf der Welt um zu gehorchen » (le soldat dit : tu es sur terre pour obéir), l’enfant a chuchoté la réponse suivante avant que la version française ne soit dite : le soldat est là pour se battre. L’enfant décodait à partir de l’illustration symbolique, imagée et assez explicite et a visiblement compris le mot entendu « Soldat » (même mot en français et allemand bien que prononciation différente mais reconnaissable).

La lecture de l’album Maman colère / Schreimutter  (de Jutta Bauer, édition Joie de lire), album bien adapté aux petits du fait de la thématique et de la force de la narration et de l’image a été très appréciée. L’attention était à son comble. On a pu observer un bébé de six mois, très attentif, assis sur les genoux de son père (venant pour la 1ère fois en bibliothèque et qui a changé de place au cours de la séance pour se mettre, avec le bébé, bien en face de la lectrice). Le bébé a produit un babil important durant la lecture de ce texte très sonore. Un autre bébé, au nom à consonance italienne, environ 8 mois (ses parents lui parleraient en italien d’après l’assistante maternelle) est resté très attentif les yeux grands ouverts buvant les paroles de la lectrice.

Des assistantes maternelles intéressées et concernées

Les assistantes maternelles de cette ville n’avaient au départ pas souhaité être associées au temps de sensibilisation à l’éveil aux langues, destiné aux professionnels, animé par DULALA. Or lors de cette séance l'après-midi, elles se sont montrées très attentives, agréablement surprises par les lectures bilingues, et étonnées de l’attention et de la concentration des enfants. Au final, elles se sont intéressées et senties concernées par la question du bilinguisme. L’une d’elle a fait la remarque suivante : « une lecture en allemand, cela va être dur car la langue est dure ». La lectrice a alors fait remarquer que les représentations que l’on a des langues peuvent être culturelles. L’allemand est en France une langue qui, dans l’imaginaire collectif, est liée à la seconde guerre mondiale et à la représentation des discours nazis dans les médias de cette époque (cf. étude du philologue Victor Klemperer « la Langue du 3ème Reich »).
Une maman italienne dans l’assistance s’est déclarée motivée pour lire en italien une prochaine fois. Une assistante maternelle a osé dire en repartant qu’elle parlait « un peu »espagnol, une autre que son époux parlait portugais. La lectrice a évoqué les langues du monde, le fait que nous étions sur une planète constituée d’une pluralité de langues : les enfants ont écouté avec attention comme s'ils venaient d’entrer dans un monde, dans le monde, prenant conscience qu’ils parlaient le français, une langue parmi d’autres, et ce particulièrement pour les plus grands. Un enfant a déclaré que sa famille en Tunisie parlait arabe, un autre a dit qu’au Brésil, on parlait portugais...

Tous, adultes et enfants sont repartis avec le sourire et avec l’envie d’assister à de nouvelles lectures rencontres de ce genre, voire de les animer.

Les professionnels se forment

Tous emballés par la boîte à histoires !

L’atelier de l’après-midi, autour de la boîte à histoires et destiné aux adultes, était animé par Coline Rosdahl de l’association DULALA. Cette lectrice a une formation en anthropologie linguistique, didactique des langues, théâtre et FLE (contact : coline@dulala.fr ).

11 personnes étaient présentes : 5 bibliothécaires bénévoles de Val Bréon + 3 professionnelles, 2 éducatrices de jeunes enfants du RAM, 1 animatrice centre de loisirs. L’atelier a commencé par un tour de table pour se connaître. Chacun a dit bonjour dans une langue étrangère puis Coline a exposé le contexte français autour de la question des enfants et du plurilinguisme : 1 enfant sur 4 parle une autre langue. Coline a présenté une boîte à histoires élaborée d’après le conte « le loup et les 7 chevreaux », le schéma narratif y est simple pour être bien appréhendé. Travailler à partir des contes est pertinent car tout en étant souvent à caractère universel, ils comportent des variantes culturelles.

La « boîte à histoires », qu’est-ce c’est ?

Ecoutons DULALA : « C’est un conte théâtralisé pour donner aux enfants le goût des langues. Il s’agit d’une méthode innovante pour raconter des histoires animées en plusieurs langues. Les personnages et les éléments de l’histoire sortent comme par magie de la boîte pour transporter les enfants dans un monde enchanté et poétique (…). Cette boîte magique représente un outil puissant pour le développement du langage et l’apprentissage des langues (…)».

Coline a raconté le conte Le loup et les 7 chevreaux en suédois (langue qui lui est familière). A la lecture, certains ont repéré des mots connus car le suédois est une langue anglo-saxonne (lien avec l’anglais ou l’allemand). La lecture est théâtralisée : il y a un mystère autour de la boîte, une dramaturgie qui se caractérise par une mise en scène percutante, une atmosphère de suspense, la voix reste neutre pour laisser place à l’interprétation. Les objets de la boîte sont symboliques et représentent les protagonistes : 7 pompons blancs + 1 plus gros représentant la maman chèvre, 1 long gant noir = le loup, …

Les auditeurs, spectateurs comprennent du fait de la symbolisation et des images + mots repères « mamajete » qui se rapproche du mot « maman ». On pense aux histoires de Warja Lavater. La lecture est ponctuée d’une pause sensorielle bienvenue : des objets sont à manipuler (temps d’interaction avec le public) : faire sentir le miel, toucher la farine (objets en matières naturelles). En étudiant les formes de narration, on relève la présence du langage du récit oralisé, des reprises anaphoriques, le style indirect pour une mise à distance, des procédés relevant de la littératie, multilittératie.

S’ouvrir à l’altérité, s’ouvrir au monde dès le plus jeune âge pour grandir et se construire

Cette journée a été un temps fort d’éveil aux langues et d’ouverture culturelle. La mise en situation à travers les lectures bilingues et la boîte à histoires ont permis aux adultes de constater à quel point ce type d’actions intéresse les enfants et les adultes qui les accompagnent, le bénéfice secondaire étant, comme l’analysent les sociolinguistes, la reconnaissance des langues et des cultures familiales.

Toutes les langues se valent, aussi est-il intéressant d’oser des lectures bilingues avec des familles de toutes origines. Mener des ateliers de traduction d'albums avec les familles constitue également un vaste chantier à investir. Il s'agit de permettre eux enfants de faire des ponts, des liens entre les langues, entre le français et leur langue d’origine pour ceux qui viennent d’ailleurs. Et pour ceux qui n’ont entendu jusqu’alors que le français, il est question de se décentrer, de jouer avec un matériau linguistique tout en se raccrochant à sa propre langue et de s’ouvrir au monde pour grandir.

A venir : Des clés et des outils pour mener des rencontres, lectures autour des langues

  • Rendez-vous pour un stage DULALA le 8 juin 2017 : Les Boîtes à histoires et les albums bilingues, deux outils pour découvrir les langues avec les enfants 
  • Exposition multimédia conçue par L’éditrice Le Port a Jauni : de l’arabe vers le français ( en cours de conception pour mise en service avec animations à partir d’octobre 2017)
  • En 2018, stage autour de l’enseignement du FLE (Français langue étrangère) et des bibliothèques : bienvenue aux partenaires intéressés pour construire ce stage avec la Médiathèque départementale.

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