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Prix Paris Diderot - Esprits Libres 2019

Prix Esprit Libre
Prix Esprit Libre
Ce prix unique en France est décerné par des détenus du Centre Pénitentiaire de Réau.

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Nancy Huston était invitée au Centre Pénitentiaire Sud-Francilien pour se voir remettre par un jury de lecteurs détenus le Prix Esprits Libres 2019 pour son roman Lèvres de pierre. 
Qui mieux que Nancy Huston pouvait incarner l'esprit libre récompensé dans ce prix ! De ses propres mots "reconnaissante et touchée de recevoir ce prix", elle a échangé avec sincérité, franc-parler et générosité autour de son livre et des grands sujets  qu'il aborde : ses engagements, l'aveuglement politique, son enfance.

Le vendredi 28 juin, ce moment de rencontre exceptionnel clôturait  des mois de travail de lectures entre les personnes détenues y participant, les enseignants de l'Université Paris-Diderot, les bibliothécaires de la Médiathèque départementale. 
La quinzaine de participants constituent le jury du prix. Il était présidé cette année de main de maître par Alain Dugrand , journaliste et écrivain : une présidence qui aura aussi été une belle rencontre pour tous.
Les débats ont été animés, riches en rebondissements, et à l'arrivée le jury était unanime à reconnaître la grande qualité du livre de Nancy Huston. C'est un choix fort et exigeant. 

Un projet ambitieux

Ce prix est né en 2014 d'un partenariat entre le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation du Centre pénitentiaire Sud-Francilien et la Fondation Paris-Diderot, aujourd'hui remplacée par l'Université Paris Diderot par le biais de son département aux étudiants empêchés.  

En 2016, la Médiathèque départementale a rejoint l'aventure : elle finance les ouvrages lus par les détenus, participe au choix des romans, suit les séances jusqu'à la délibération. 

 C'est un jury mixte, une volonté très forte dès l'origine du projet permettant de restaurer une sociabilité parmi les jurés. Carina Trevisan et Régis Salado, professeurs de lettres à l'Université Paris Diderot, animent les débats et éclairent les jurés sur la singularité de chaque livre.

Des séances de lectures animées

Ainsi, entre janvier et juin, environ toutes les 3 semaines, rendez-vous est donné aux personnes détenues. Chacun apporte son livre, annoté, surligné, chargé de post-it et se prépare à échanger librement et sincèrement sur ce qu'il a retenu de l'ouvrage. Avec un grand sérieux pour cet engagement pris dès la première séance : lire tout le livre jusqu'à la fin, même plusieurs fois pour certains, et respecter la parole de l'autre. Car c'est évidemment avant tout un moment de partage, de convivialité, d'écoute. On y est toujours attendu par les personnes détenues qui nous posent la même question rituelle : "alors, il vous a plu, à vous, ce livre ?"

Cette année les débats se sont portés sur les romans suivants :

  • L'Hiver du mécontentement de Thomas B. Reverdy (Flammarion) . Ce livre, jouant sur un parallèle entre Margaret Thatcher et la pièce "Richard III" de Shakespeare nous a permis d'explorer les méandres des jeux de pouvoir.
  • Lèvres de pierre de Nancy Huston (Actes Sud) a provoqué de très beaux échanges. L'enjeu du livre, s'identifier à un génocidaire, était fort et déroutant, il obligeait à remettre en question nos idéaux et à se confronter au monstre qui vit en chaque homme.
  • Roissy de Tiffany Tavernier (Sabine Wespieser) est un roman social qui a immergé les jurés dans l'univers méconnu et fascinant de l'aéroport de Roissy.
  • Salina de Laurent Gaudé (Actes Sud). Ce roman, qui a toutes les caractéristiques d'un conte initiatique, a captivé par la force de son récit.
  • Les confidences de Marie Nimier (Gallimard). Dans cet ouvrage très original, l'auteur a exploré l'intime dans une série d'histoires à la fois pudiques et impudiques.
  • Le voyage du canapé-lit de Pierre Jourde (Gallimard) a clôturé avec humour la liste des lectures. Le périple d'un canapé y servait de prétexte à un récit familial fantasque et anti-conventionnel.

Les livres restent...

Les bibliothèques de prison

La Médiathèque départementale participe à la vie des bibliothèques de Réau : prêt de collections, formation, résidences d'auteurs. Ces bibliothèques sont gérées par le SPIP (Service Pénitentiaire d'Insertion et de Probation).

La Médiathèque départementale est très attachée à sa participation au Prix : les ouvrages financés sont offerts aux personnes détenues, ce sont des livres qui leur appartiennent et leur laissent une trace de ce voyage littéraire. Ils ont d'ailleurs eu la chance de faire dédicacer à Nancy Huston son livre primé !

D'autre part, tous les livres sont offerts à chacune des trois bibliothèques principales du Centre Pénitentiaire Sud-Francilien : ainsi, même les personnes détenues ne participant pas au prix peuvent lire les ouvrages sélectionnés et faire vivre ce projet.