Trio à deux voix. Une sur un CD, celle d'Alexandre Jollien au cours d'un exposé en public ; l'autre par écrit, celle de Bernard Campan, proposant en complément le récit de son propre parcours en résonance avec de celui de son ami. Connaissant les talents d'humoriste de cet "inconnu" célèbre, il nous surprend, là, sérieusement joyeux. Un enthousiasme vite communicatif. De Socrate à Jung et de Maître Eckhart à Arnaud Desjardin, ils nous proposent, en art de vivre périlleux : le fil tendu de la discipline.
Deux cordes, les leurs : la philosophie, enracinée dans la Grèce antique, pour Alexandre Jollien, la spiritualité hindoue pour Bernard Campan. Une troisième, la nôtre : parallèle immatérielle, pour le sens de notre vie. À nous l'acrobatie.
Bernard Campan nous dit qu'il n'y a pas tant de choses à acquérir qu'à perdre, Alexandre Jollien parle de voyager léger. Ils nous posent en équilibre entre un encombrement et un manque : se libérer nous invite à faire l’inventaire de l’inutile et du nécessaire mais comment acquérir l’œil du maître qui discerne justement ?
Bernard cite Alexandre auquel il expose son découragement : " c'est…comme si j'étais en bas d'une falaise en espadrilles avec un bout de ficelle et que tu me demandes de monter au sommet ", obtenant cette réponse : " Je vais te proposer une autre image…de Kafka, tu es au bord du gouffre et tu dois rejoindre l'autre côté et pour ce faire tu dois mettre un pied dans le vide ". Cette discipline, Alexandre Jollien se l’impose à lui-même. Ainsi, bien qu'ayant par la philosophie classique acquis cette sagesse dont il pourrait se prévaloir pour obtenir une position d'idole, il ose “ on peut vivre sans connaître Platon ". Pourtant, fidèle à Socrate, c'est à la recherche de soi qu'il nous invite mais pas pour se distinguer: “ C'est dans ma singularité que je me rapproche de l'autre ! " Il s'agirait d'accoucher de notre conscience et non de chercher la lumière dans la connaissance gratifiante, un fameux bagage mais qui peut se révéler un boulet. Pour se trouver faut-il se perdre ? Si l'enjeu est de venir au jour, souvenons-nous que la première fois ce fut nu.
Bernard Campan médite la démarche d’Alexandre Jollien en lui apportant l’éclairage de leur amitié née de leur questionnement intérieur dans l’apprentissage de ce « métier d’homme » qui les fait « frères en humanité ».
On peut écouter ce CD à l'envi tant il est riche d'idées sous-jacentes. Le discours est simple mais il est à prendre au sérieux. Sa richesse est invisible car la matière est en nous. Puisqu’il nous tend la main vers une autre rive, celle de notre liberté intérieure, osons le courage de cette autre naissance.