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Le cinéma documentaire au collège en 2020

Le cinéma documentaire au collège en 2020
Retour sur la formation autour de quatre films à voir et à débattre avec des collégiens.

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La formation « A tout Doc » fait partie des dispositifs culturels proposés par le Département pour valoriser le cinéma documentaire. Elle permet aussi aux collèges dotés cette année (Meaux et Lieusaint) de bénéficier d'une action culturelle en lien avec ce cinéma.

Cette formation étant ouverte plus largement, un autre collège (Savigny-le -temple) et des bibliothèques (Melun et Nemours) étaient également présents.

Les films retenus cette année : Green Boys d’Ariane Doublet ; Swagger d’Olivier Babinet ; Braguino de Clément Cogitore et Examen d’état de Dieudo Hamadi.

Deux collèges dans l’aventure en 2020

Les collèges de la Pyramide à Lieusaint et Henry IV à Meaux sont inscrits au dispositif cette année. La journée du 28 janvier dernier animée par Marie de Buscher et Nicolas Hans-Martin, documentaristes de l'association Addoc, a permis de découvrir la sélection avec des présentations critiques des films illustrées d’extraits.

Pour plus d’éléments sur le documentaire et pour d’autres idées de films à montrer aux collégiens voir les pages de formations :

Quelques repères pour entrer dans les films

Green Boys d’Ariane Doublet, 2019 (1h11)

C’est une histoire de rencontre, une histoire d’amitié. Au milieu des champs de lin et des pâturages avec vue sur la mer, dans le Pays de Caux, Louka 13 ans et Alhassane 17 ans, jouent au foot, pêchent à l’épuisette, montent aux arbres, se donnent des leçons de choses. Alhassane vient de loin, Louka est d’ici mais tous deux semblent être apparus là dans le paysage instantanément, chacun à sa manière réincarnation du petit prince de Saint-Exupery. Jour après jour ils s’apprivoisent et au rythme de l’amitié qui se noue, construisent une cabane. La cabane c’est celle que l’on bâtit en Guinée, le pays d’Alhassane, et plus que le refuge de leur enfance, elle est comme un bout d’Afrique posée là à flan de colline. Les promeneurs qui passent sur le chemin semblent y venir en voyage. Dans la cabane, Alhassane ne veut pas dormir la nuit. Il a peur des diables. Louka lui n’y croit pas. Mais ce qui les sépare les lie tout autant que ce qui les réunit. Cette histoire de petits princes, l’un à l’orée de l’adolescence l’autre au bord de l’âge adulte, est une histoire mise en scène avec douceur, cadres ouverts sur l’horizon, plans qui s’étirent dans le décor paisible d’une ruralité qui semble échapper à toute violence. Moment précieux, filmée comme hors du temps, cette amitié qu’Ariane Doublet conte avec délicatesse, n’est pas tant porteuse d’espoir, elle apparaît plutôt comme une parenthèse enchantée.

"J’étais tout seul dans la ville. Je ne pouvais parler à personne. Ce qui tournait dans ma tête, c’est où je vais dormir ? J’ai passé quelque temps à la gare, et j’ai dormi dehors. Trois jours plus tard il y a un jeune qui m’a demandé ce que je fais là. Il m’a dit qu’il ne peut pas m’héberger mais il a donné l’adresse d’une association. J’ai été accueilli chez des français. Dans différentes maisons. À chaque fois ils me prennent comme leur propre fils".

Alhassane, 17 ans

La réalisatrice
Née en 1965, Ariane Doublet est réalisatrice, documentariste et monteuse française. Si elle entretient souvent une complicité amusée avec les personnages de ses films, derrière cette légèreté en trompe l'œil, s’esquisse une réflexion sur les temps modernes, ses ressorts et ses maux. Ils sont paysans dans Les Terriens, vétérinaires dans Les Bêtes, ouvriers dans Les Sucriers de Colleville, filateurs chinois dans La Pluie et le Beau Temps, ou syriens réfugiés dans un village normand. Elle tourne la plupart de ses films dans le Pays de Caux, à la recherche d’une géographie humaine et universelle.

Filmographie :
1997 : Jours d'été (50 min)
1999 : Les Terriens (81 min)
2001 : Les Bêtes (67 min)
2004 : Les Sucriers de Colleville (90 min)
2005 : La Maison neuve (52 min)
2009 : Fièvres (43 min)
2011 : La Pluie et le beau temps (74 min)
2015 : La Terre en morceaux (55 min)
2017 : Les Réfugiés de Saint-Jouin (58 min)
2019 : Green Boys (71 min)

« J'ai la chance de faire un métier qui me permet de donner la parole à des gens qu'on entend pas, ou peu, ou trop peu. »

Ariane Doublet

Pistes de travail autour du film

  • Enjeu de la séquence d’ouverture : quelle mise en place des conditions de surgissement du réel ? Quelle place pour le réalisateur dans le film ? Quel pacte entre le filmeur et le filmé ?
  • Le sujet du film : le film raconte une histoire d’amitié naissante entre deux jeunes garçons, l’un pré-adolescent, l’autre presque adulte. Ils jouent ensemble dans la nature, des liens se créent au fil de l’aventure, et à la fin la complicité est là. Choix du sujet et de personnages avec lequel le réalisateur se sent en empathie.
  • Film de rencontre et d’initiation, aussi bien pour le jeune Louka que pour Alhassane. Chacun d’entre eux a des choses à apprendre sur le monde qui les entoure et des choses à découvrir sur ce qu’ils peuvent s’apporter mutuellement.
  • La nature au centre du récit, à la fois un cadre, un fil conducteur et un 3ème personnage
  • Place de la réalisatrice : interpellée par le jeune voisin dans la séquence d’ouverture, c’est elle a qui organisé le rendez-vous, ils se connaissent donc déjà mais elle reste en retrait de la narration directe.
  • Mise en scène : film très mis scène, maîtrise du film dans lequel la réalisatrice provoque des situations, crée des dialogues et choisit ses personnages.
  • Question de l’intimité dans le cinéma documentaire : filmer celle qui se révèle, mais ne pas aller trop loin pour que le film se dévoile. Pose la question de ce que l’on dit ou pas
  • La question de « l’accident » dans le cinéma documentaire avec l’épisode du motard embourbé. C’est une projection du réel qui permet la vraie rencontre. Il va rapprocher les deux protagonistes, après l’avoir aidé ils sifflent ensemble.
  • Importance du témoignage : parole du jeune guinéen en voix off sur des actions différentes. Une rupture dans le style qui ponctue la narration : préparation du feu, marche sur la route, dans son sommeil.
  • Le film questionne nos représentations de l’ici et l’ailleurs, notre représentation de l’étranger ? Quelle sont les symboliques de la cabane, ici et en Guinée ?
  • Rôle majeur de la musique dans le film, fil conducteur qui apparaît sous différentes formes dans le film :

    • Le jeune guinéen écoute sa musique (la kora)

    • Le jeune voisin écoute la sienne

    • des chansons viennent ponctuer le film et soutenir la poésie des images « Summertime » dans le champ de blé questionne notre rapport aux migrants « Nature boy » de Nat King Cole

  • L’écriture au cinéma documentaire. Un film connaît trois phases d’écriture :
    • Avant le tournage
    • Pendant le tournage, lorsque le réel s’invite ou que des scènes prévues n’adviennent pas
    • Au montage

Pour aller plus loin

Swagger d’Olivier Babinet, 2015 (1h24)

Teen-movie documentaire, Swagger nous transporte dans la tête de onze enfants et adolescents aux personnalités surprenantes, qui grandissent au cœur des cités les plus défavorisées de France. Le film nous montre le monde à travers leurs regards singuliers et inattendus, leurs réflexions drôles et percutantes.

Adoptant un cinéma libre et affirmé, Swagger déploie une mosaïque de rencontres en mélangeant les genres, jusqu’à la comédie musicale et la science-fiction. Il donne vie aux propos et rêves de ces ados avec humour et poésie.

Car, malgré les difficultés de leurs vies, les enfants d’Aulnay et de Sevran ont des rêves et de l’ambition. Et ça, personne ne leur enlèvera.

« C'est là que j'ai rencontré ces enfants. Depuis mon enfance, le collège, l’internat, j’ai tendance à fréquenter des gens du même milieu : le cinéma, la musique, la presse, la pub… Un milieu un peu clos, fait de gens d'horizons divers certes, mais un peu consanguin. J’étais donc curieux, et avide d'autre chose. Je me suis dit que ça pouvait être pas mal de faire un film là-bas. Mais je n’avais aucunement l’idée de faire un film directement sur eux. »

Olivier Babinet

Le réalisateur

Né à Strasbourg, Olivier Babinet réalise avec le photographe Fred Kihn son premier long-métrage, Robert Mitchum est mort (2010), projeté au 63e Festival de Cannes à l’Acid. En parallèle, il travaille pendant deux ans avec des collégiens d’Aulnay-sous-Bois. Au fur et à mesure de ces rencontres a germé l’idée de leur consacrer un film documentaire. Swagger est présenté au Festival de Cannes en 2016, à l’Acid, sélectionné aux Césars et au Prix Lumière. Actuellement, Olivier Babinet prépare un nouveau long-métrage de fiction Poissonsexe.

Filmographie :
2002 : C’était le chien d’Eddy, Fiction (15 min)
2009 : C’est plutôt genre Johnny Walker, Fiction (28 min)
2011 : Robert Mitchum est mort, Fiction (1h31)
2016 : Swagger (1h24)
2020 : Poissonsexe, Fiction (1h28)

« Je voulais filmer les enfants comme des héros de cinéma »

Olivier Babinet

Pistes de travail autour du film

  • contexte de création : un atelier de réalisation de 3 ans à Aulnay, cet atelier avec des jeunes de banlieue s’est transformé en fabrication d’un long-métrage au fil du temps.
  • Enjeu de la scène d’ouverture : très fictionnée, beaucoup de moyens de réalisation, travail sur le son pour nous mener dans la narration
  • Film très élaboré dans sa construction et son montage, utilisation de jump cut, très écrit. Jeu permanent d’enchevêtrement des modes narratifs.
  • Objectifs du film : faire exister leurs rêves avec une mise en scène qui s’appuie sur leurs talents, souhait manifeste de capter un public de cette génération.
  • Alternance des formes cinématographiques : fiction, science-fiction, entretiens, cinéma direct. Film construit autour de ces interviews avec des séquences fictionnelles en plus pour illustrer. Ces séquences ont dû se construire avec les jeunes lors des ateliers (exemple du défilé pour le personnage de Régis qui aime la mode). Même les interviews sont menées comme de la fiction.
  • Gros travail sur le son qui permet à l’œil de passer d’une séquence à l’autre et illustre la mise en scène de l’imaginaire, du rêve de ces jeunes. Le Traitement sonore nous guide d’un mode à l’autre, de la comptine (musique d’Amélie Poulain) à la peur (bruit sourd des émeutes).
  • Un film chorale : 11 personnages dans le film avec une volonté du réalisateur de donner sa place à chacun, il permet à chacun d’exister et au spectateur de s’identifier. Transformation des personnages au cours du film, il montre comment ils parviennent à s‘écouter, à se regarder
  • Les émotions dégagées par le film sont l’énergie et la joie. La violente est latente mais elle n’est jamais filmée, elle se dégage des entretiens, du son off des émeutes (début/fin) comme une sorte de menace qui reste pesante.
  • Sincérité de la parole des jeunes grâce aux années de travail pendant les ateliers. Relation de confiance dans le rapport filmeur/filmé.
  • Question de la temporalité : quel traitement dans le film ? Le cinéaste Chris Marker parle de « raccommoder le tissu du temps »
  • Le film se déploie comme une comptine et aborde les thèmes de l’intime, de la famille, du collège, des rêves, de la société, de la religion, de l’amour et de la peur du bled.
  • Aborde les questions de post-colonialisme, de ghettoïsation. Rôle du documentaire qui donne la parole à des personnes qui ne l’ont pas habituellement, questionne sur les représentations dans lesquelles tout le monde est enfermé, questionne l’altérité.
  • Film qui interroge sur la frontière entre fiction et documentaire, aller et retour réel/fiction comme dans le cinéma de Jean Rouch
  • Beaucoup de références au cinéma américain < influences du réalisateur
  • Dimension pédagogique : comment faire un film documentaire dans une cité ?

Pour aller plus loin

  • Télérama : Swagger, « Avec Swagger, j’ai avant tout fait un film sur l’adolescence »
  • Débordements : Swagger
  • France culture, Une vie d’artiste : Swagger , « Le swag d’Olivier Babinet »
  • France culture : Swagger, rencontre avec Olivier Babinet
  • Festival International du Film de San Francisco 2016 : rencontre avec Olivier Babinet
  • Critikat : Swagger

Braguino de Clément Cogitore, 2017 (50min)

Braguino est un voyage photographique et filmique à la recherche d’une "communauté impossible", recluse au cœur de la forêt en Sibérie. Au milieu du village : une barrière sépare les Braguine et les Kiline. Vivant recluses en autarcie au bout du monde, les deux familles se sont brouillées, se haïssent et refusent depuis plusieurs années de se parler. Entre la peur des bêtes sauvages, du feu qui détruit tout, et la joie offerte par l’immensité de la forêt et de ses ressources, enfants et adultes tentent tant bien que mal de vivre ensemble : un projet politique à l’épreuve de la taïga.

« La vie dans la forêt est une vie dure. On est dans la Sibérie du bagne. Sacha est venu là pour avoir la paix. Il vient d’une communauté qui s’appelle « Les Vieux Croyants » où l’on refuse tout ce qui vient de la civilisation. Sacha vient de là, où les règles peuvent être très rigides ou absurdes. Il a le sens de la place de l’homme sur terre. On ne prend de la Taïga que ce dont on a besoin. C’est par des signes, des silences que j’ai compris qu’il y avait un conflit [entre ces deux familles]. L’idée, le projet du film c’était de parler de la construction d’un monde et son impossibilité à partager. »

Clément Cogitore

Le réalisateur

Né en 1983 à Colmar, Clément Cogitore vit et travaille entre Paris et Strasbourg. Après des études à l’École supérieure des arts décoratifs de Strasbourg et au Fresnoy-Studio national des arts contemporains, Clément Cogitore travaille en mélangeant films, vidéos, installations et photographies. Ses films ont été sélectionnés dans de nombreux festivals internationaux (Cannes, Locarno, Lisbonne, Montréal…) et ont été récompensés à plusieurs reprises. Son travail a également été projeté et exposé dans de nombreux musées et centres d’arts. En 2015, son premier long-métrage Ni le ciel, ni la terre a été récompensé par le Prix de la Fondation Gan au Festival de Cannes, salué par la critique et nommé pour le César du meilleur premier film.

Filmographie :
2005 : Chroniques, Fiction (35 min)
2011 : Parmi nous et Bielutine (40 min)
2015 : Ni le ciel, ni la terre, Fiction (1h40)
2017 : Les Indes galantes (6min) et Braguino (50 min)
2018 : The Evil eyes (15 min)

« Je pense que j'ai filmé un monde qui va disparaître »

Clément Cogitore

Pistes de travail autour du film

  • Scène d’ouverture où les principaux éléments du film sont donnés par le réalisateur : un conte fantastique construit avec les fragments du réel, un paradis perdu, la peur de devoir quitter un lieu, une tension, une barrière et une famille (Les Braguine) et l’importance des enfants.
  • Thématiques déclinées au cours du film : rivalité entre deux familles, persécution entre frères et voisins sans modérateur extérieur possible, histoire de pouvoir des dominants sur la nature, impact du capitalisme.
  • Construction du film sous forme d’enquête, petit à petit on découvre les raisons de cette rivalité
  • Utilisation du son : installe dans un univers fantastique (bruit de ferraille calé sur le son de l’hélicoptère en vol < guerre) et crée la tension (sons sourd et lancinant < persécution). Fable qui alterne le son direct lors des scènes quotidiennes (chasse) et le son sourd proche du fantastique qui permet de faire les transitions (hélicoptère). Glissement permanent du son diégétique au son fabriqué.
  • Enjeux de territoires : chasser pour survivre, fuir de l’état russe et l’église orthodoxe, quête d’un paradis perdu.
  • Question de l’altérité : les Braguine n’ont pas peur des ours mais ils ont peur de la famille Kiline qui elle a peur des ours. Conflits entre 2 familles, entre 2 cultures, entre l’ancien et moderne, entre la chasse de subsistance et la chasse plaisir.
  • Thème du paradis perdu/de la fin d’un monde. Double menace : par le sud avec les braconniers et par le nord avec les bactéries dans la glace qui attaquent les élevages d’élans. Dans ce monde en danger, nous spectateurs, ne sommes-nous pas les Braguine ? Message en filigrane : ils sont en danger, en sursis, comme nous !
  • Film sombre, fait état de notre impuissance. Quel avenir pour ces enfants ? Quel avenir pour nos enfants ? il est le seul à nous montrer cette famille. Les questions soulevées sont les mêmes que les nôtres. Question du pacte filmeur/filmé, s’ils acceptent d’être filmés c’est qu’ils sont seuls et menacés.
  • Place importante des enfants : petits lutins blonds qui s’interrogent des 2 côtés. Film sur l’enfance, personnages principaux qui aimeraient se côtoyer, se parler mais interdiction des adultes. Identification à leurs questions : à quoi ils pensent, ils rêvent, ils jouent ?
  • Question de la violence au cinéma ? Violence du réel ? Les scènes de chasse interrogent sur notre rapport au vivant.
  • Jeu sur le réel : utilisation de fragments d’images filmées qui apparaissent comme des souvenirs, noirs entre les séquences, comme si on feuilletait un album de famille. Quelle fable raconte le film ? Et pour quelle réalité ? Mise à distance voire manipulation du réel.
  • Part de mystère, le réalisateur ne donne pas toutes les réponses et cherche à nous plonger dans un univers, à nous amener à nous interroger plus qu’à donner une portée ethnographique.

Pour aller plus loin

  • Le blog documentaire : Braguino
  • Critikat : Braguino
  • France culture, Par les temps qui courent : Braguino , émission radio « Braguino ou la communauté impossible »
  • Arte, La Lucarne : Braguino , rencontre avec Clément Cogitore

Examen d’état de Dieudo Hamadi, 2014 (1h30)

À Kisangani, en République démocratique du Congo, un groupe de jeunes lycéens s'apprête à passer son examen d’État, l’équivalent du baccalauréat français. La caméra de Dieudo Hamadi le filme tout au long de sa préparation, depuis les bancs de l'école d’où les élèves se font régulièrement chasser parce qu’ils n’ont pas payé la "prime des enseignants", aux "maquis" (maisons communes) où ils se retrouvent pour réviser et dans les rues chaotiques de la ville où ils passent leur temps à "chercher la vie".

« Ce qu’il y a de bien avec le cinéma, c’est qu’il amplifie certaines choses et ça donne un cadre pour discuter. On sait qu’il y a des problèmes au niveau du système éducatif au Congo, on sait qu’il y a des choses qui ne marchent pas. Moi, j’offre juste à voir ces problèmes, de l’intérieur ou de manière assez particulière. (…)C’est important qu’on discute sur ce qu’on veut faire de l’avenir de ce pays, de la jeunesse de ce pays. C’est le but pour moi. »

Dieudo Hamadi

Le réalisateur

Dieudo Hamadi est né en 1984 à Kisangani. Il étudie la médecine avant de se tourner vers le cinéma. Depuis 2002, il suit plusieurs ateliers de documentaires et des cours de montage et une formation dans une école de cinéma, à Paris. Il travaille comme monteur, producteur, et assistant-réalisateur. En 2013, il réalise son premier long métrage, Atalaku, qui raconte la campagne électorale de 2012 en République démocratique du Congo. En 2014, de retour à Kinshasa, il réalise Examen d'état. Dans ce film, il raconte le parcours des lycéens qui ne peuvent pas payer la prime des professeurs. Pour cette raison, ils sont exclus du lycée et ne peuvent pas passer l'examen d'état qui est l'équivalent du baccalauréat. En 2017, son film Maman Colonelle est primé au festival du réel. Ce film suit au quotidien, Maman Honorine colonelle dans la police congolaise, chargée de la protection des enfants et de la lutte contre les violences sexuelles.

Filmographie :
2009 : Ladies in Waiting (24 min)
2010 : Congo In Four Acts (73 min)
2013 : Atalaku (60 min) 2014 : Examen d'état, (1h30) Grand prix FIFADOC, Prix Potemkine et Prix SCAM (Cinéma du réel)
2017 : Maman Colonelle (72 min)
2018 : Kinshasa Makambo (70 min)

« Le documentaire est la forme la plus compatible avec mon environnement »

Dieudo Hamadi

Pistes de travail autour du film

  • Problématiques du film dès la scène d’ouverture : le passage de l’examen. Comment obtenir son diplôme sans école et sans professeurs ? Problématique de l’argent, indispensable pour suivre les cours passer les examens et même recevoir les résultats. Question de l’argent et de la négociation, fil conducteur qui revient tout au long du film.
  • Focus sur le personnage principal avec sa problématique (situation familiale) et l’enjeu d’avoir l’examen pour ne pas rester livreur. Glissement de la voix off à la voix « je ».
  • L’alternance des modes narratifs est une porte d’entrée dans le film et une des clés de la narration : séquences de cinéma direct (unité de cinéma) qui vont s’alterner en motifs (maison, religion, magie, l’organisation du groupe, la famille,..). Création d’un suspens, des enjeux, des conflits. Alternance également de scènes de groupe et de scènes avec le personnage principal.
  • Question de l’identification, problématiques des jeunes dans leur contexte culturel. Questionne nos propres croyances, nos propres pratiques magiques.
  • Rôle de la caméra dans la rébellion des étudiants chassés, elle a une empreinte sur le réel et fait parfois advenir ce qui ne serait pas arrivé sans le film, comme le groupe d’élèves qui ose tenir tête au proviseur et s’organiser en groupe.
  • Le réalisateur s’embarque dans l’histoire avec les protagonistes. L’histoire se construit ensemble. Son propos est de montrer la « débrouille », les moyens de survie de ces jeunes, jusqu’où ils sont prêts à aller : croyance, triche, stylos magiques, autoformation,…
  • Incidence des conditions de réalisation sur la réception du film, dispositif simple caméra/micro. Le fait de filmer seul permet une immersion totale dans le groupe. Son direct pris dans la rue, collé au réel. Filmer seul demande beaucoup de concentration pour être à l’affût des occurrences narratives, du potentiel narratif d’une situation.
  • Cinéma direct : colle au réel, ne fictionne pas. Notion de caméra participante (Jean Rouch). Le réalisateur filme dans sa ville une population qu’il connaît bien. Proximité du réalisateur avec son sujet. Permet d’aller au plus près de l’intimité, filme quelque chose d’universel avec la singularité des ses personnages.
  • Importance du temps dans l’élaboration du film : temps de tournage (déploie le récit), temps de montage (fabrication, ellipses temporelles), temps de mixage.

Pour aller plus loin

Aller plus loin...

Un peu de vocabulaire

Le cinéma documentaire est avant tout... du cinéma !

Plan : unité narrative
Séquence : une suite de plans
Montage : l'écriture, le langage du cinéma

Le cœur du documentaire est la relation entre le filmeur et le filmé : chaque film en parle, à sa manière.

Un film est un mélange de narration (quelle histoire on veut raconter) et de dramaturgie (comment on la raconte), par des choix de cadre, de musique, de distance, etc

Le cinéma documentaire change les personnes qui sont filmées, par la possibilité qui leur est offerte de s'exprimer, et aussi celles qui filment, qui sortent transformées de l'expérience comme on est transformés par une rencontre.

Le cinéaste doit tenir sa place de cinéaste face aux personnes qu'il filme. Il doit montrer ce qu'il doit montrer, pas obéir aux personnes qu'il filme. Garder sa place permet aux choses d'advenir car le film en train de se faire rend les choses possibles.

Conseils pour travailler autour des films

Séquencer les extraits en racontant le film : regarder les 5-8 premières minutes des films pour en montrer les enjeux.

Passer 2 ou 3 autres extraits pour illustrer le déroulement de l'histoire et montrer comment se déploie la narration : l'occasion est créée pour échanger, discuter.

Visionner le début ensemble est important pour déclencher des envies et travailler sur les attentes du spectateur. Visionner le film dans son entier (longtemps) après permet de travailler sur l'écart entre les attentes et le film. Laisser passer du temps entre le première présentation et le visionnage laisse le temps au film de travailler et d'infuser dans l'esprit des élèves.

C'est l'occasion de revenir sur ce que c'est d'être un spectateur et d'avoir des attentes (déçues ou non) face à un film. Cela créé de l'activité et éloigne la passivité de la réception du spectateur.

Le film documentaire est un bon médium d'écriture : le spectateur est là aussi actif. Travailler sur les attentes déçues, c'est raviver sa capacité à rêver, interroger chacun sur son rapport intime et personnel au sujet évoqué.

Animer un débat après une projection

Se faire confiance et faire confiance au public ! Tout spectateur, même sans connaissance cinématographique, a ressenti quelque chose face à un film. Chacun est libre de ses interprétations, il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse en cinéma. Le débat qui suit le visionnage d'un film ou la rencontre avec son réalisateur est davantage un lien entre le spectateur et le film. Si le film est bon, il est porteur de toutes les questions, et de toutes les solutions en même temps. Plus il est riche, plus les interprétations possibles sont nombreuses. La seule mission du médiateur est de veiller à ce que le débat porte aussi sur la forme, et ne soit pas ramené au seul fond.

Pour parler d'un film, il faut donc faire confiance à ses sensations de spectateur, à son état du moment. Pour être à l'aise, il est préférable d'avoir vu le film plusieurs fois, et de l'apprécier : on parle toujours mieux des films qu'on aime. Pour lancer un débat on peut mémoriser les premières images du film. Aucun choix n'étant anodin, se demander pourquoi un film qui commence sur tel type d'images peut enclencher une réflexion. On peut également mémoriser les séquences qu'on a appréciées pour pouvoir les retranscrire au public et partager des impressions. On peut préparer la séance en réfléchissant aux liens qui existent souvent entre les premières et les dernières images du film. Créer des passerelles avec d'autres films qu'on connaît bien et qu'on apprécie peut se révéler intéressant. Et parfois, les scènes les plus difficiles à appréhender se révèlent porteuses de sens et d'intérêt et suscitent les débats les plus riches.

A vous de jouer !